Filières agricoles en difficultés, quelles voies privilégier ?

Août 2015 – Gilles DELANOË

Le désarroi des producteurs de porcs face aux difficultés de la filière est touchant et quelque part cette situation de désespoir nous interpelle sur les enjeux qu’elle essaie de pointer du doigt.

agriculteurs- 2 septembre-2015- près de Rems

Notre pays connait régulièrement des crises auxquelles il doit faire face, par exemple, les crises de la sidérurgie, de l’automobile, de la construction navale, de la confection etc… Dans toutes les situations, les composantes du marché ont évolué et c’est l’emploi qui en souffre au final. Les réponses attendues sont insatisfaisantes surtout lorsqu’il faut conjuguer les paramètres économiques (souci de rentabilité à retrouver) et sociétaux (l’emploi de salariés à préserver). Chaque fois que l’état est appelé à l’aide dans la gestion de ces conflits, il est souvent le dernier recours et il doit être le garant d’un traitement juste entre les parties prenantes. Cette responsabilité qu’on lui attribue, est disproportionnée dans ses missions actuelles, en revanche il est dans son rôle de détecter les secteurs d’activité en voie de fragilisation et d’alerter les acteurs, mettre en place des mesures correctives dans l’intérêt collectif.

Dans le cas de la crise du porc, nous avons bien saisi l’importance de l’effet de seuil (1,40€/kg ) qui est déterminant pour la survie des élevages Français. Le marché du porc à Plérin (côtes d’armor) de la « cotation du prix », n’en tient aucunement compte dans la mesure où il existe en Europe des offres inférieures ( Allemagne et Espagne notamment). Les quelques centimes € demandés par les éleveurs (15 à 20 cts d’écart avec les pays exportateurs Espagne et Allemagne) sont les surcoûts de nos normes environnementales, nos charges salariales et fiscales à la française, mais aussi une filière production–transformation-distribution- exportation (dont embargo Russes révèle les limites) à la recherche de performances. C’est notre modèle de société française qui est en jeu. Certes la diversification de l’offre par la création de niches à labels est une voie à suivre mais en aucun cas elle pourra répondre à la nécessité d’une production en quantité et à un coût raisonnable pour satisfaire le grand marché des produits économiques. Il faudra aller chercher ailleurs des réponses qui sauront intégrer nos contraintes et proposer des solutions acceptables pour s’inscrire dans la durée.

Nourrir la population en quantité et qualité à prix abordable est une mission majeure de l’agriculture qui est attendue par l’ensemble des citoyens. Environ 70 % de l’alimentation est produite sur le territoire français. Toutefois, la part de l’alimentation n’a cessé de diminuer dans le budget des ménages (aujourd’hui elle représente environ 12%) et le prix reste encore un critère d’achat déterminant. En revanche, les produits locaux de proximité ont un succès grandissant auprès des consommateurs et dépendre des importations pour notre alimentation est contraire aux attentes sociétales. Nourrir local, entretenir la nature et nos campagnes, donner de l’emploi de proximité sont les missions essentielles de notre agriculture qu’il faut préserver.

C’est stratégique et le secteur d’activité nécessite une attention particulière. En conséquence, l’état doit prendre sa part de responsabilité et jouer le rôle de régulateur non pas sur les prix soumis à la loi des marchés (les céréales et le sucre sont alignés sur les cours mondiaux), mais sur l’organisation structurelle de la filière de la ferme à l’étale du consommateur. La production de viande porc, non aidée dans le cadre de la PAC de Bruxelles, entre dans ce schéma de réflexion global au même titre que d’autres productions. Il faut réinventer un nouveau contrat sociétal entre le citoyen et son agriculture afin de faire reconnaître son rôle stratégique pour la nation et accepter son accompagnement dans des plans pluriannuels. Dans la perspective des prochaines élections présidentielles, il y a là un vrai enjeu politique qui donnerait une vision, suivie d’une impulsion politique nécessaire à notre agriculture tout comme meilleure acceptation par le citoyen qui demande à mieux comprendre à quoi servent les aides et où vont leurs impôts.